lundi 2 janvier 2012

Les AMAP ont 10 ans - Retour à la source du mouvement

En 2001, pour faire face à des difficultés, Denise et Daniel Vuillon créent la première AMAP, Association pour le maintien de l'agriculture paysanne.
Depuis, le mouvement a fait tache d'huile et l'on compte des centaines d'AMAP.

Daniel et Denise Vuillon vivent dans une ferme située à cheval sur trois communes : Toulon, Ollioules et la Seyne-sur-Mer. En 1994, la seule commune d'Ollioules compte encore 140 exploitants agricoles, la plupart disposant d'importantes surfaces de serres. Un orage de grêle dévaste les serres. De très nombreuses exploitations s'arrêtent à ce moment-là. Aujourd'hui, il ne reste plus que cinq exploitants agricoles sur la commune.
Daniel et Denise ont eux aussi subi les foudres du ciel et se trouvent en difficulté financière. Décidés à ne pas s'arrêter, ils cherchent une solution. C'est à New York, lors d'une visite chez leur fille, qu'ils ont connu un système de soutien à l'agriculture "CSA". Ils ont attendu que des militants d'Aubagne, soucieux du contenu de leur assiette, leur permettent de proposer le partenariat « Amap ». Le principe : le consommateur paye à l'avance la production qui est partagée une fois par semaine sous forme de « paniers ».
Le producteur, dégagé des soucis commerciaux, s'engage à fournir un panier de sa production, saine, dans le respect de la biodiversité de l'environnement, selon la Charte des Amap (déposée en 2003 par Alliance Provence, qui coordonne les Amap en PACA). Après trois réunions d'information et de sensibilisation à cette économie alternative, Denise et Daniel se sont lancés dans cette première expérience d'Amap aux Olivades.
Leur ferme produit des légumes et des fruits tout au long de l'année grâce à un climat particulièrement agréable : la mer, à quelques kilomètres, évite les risques de gel. Ils disposent de quatre hectares de légumes de plein champ, de quatre hectares de vergers diversifiés et de près de deux hectares de serres.
Depuis longtemps, la ferme est en bio. On y applique des méthodes de lutte intégrée et des auxiliaires pour lutter contre les parasites. Les engrais sont organiques.
Le travail du sol respecte les équilibres biologiques et contribue à l'enrichissement de la terre et de l'environnement.

Un lien solidaire, un bénéfice réciproque

Le coup de génie dans l'AMAP est le lien très fort qui relie le producteur aux consommateurs. En s'engageant financièrement, en début d'année, à prendre un certain nombre de paniers, le consommateur assure une régularité dans les débouchés pour le producteur, qui peut ainsi gérer sa production au plus juste et éviter les invendus et les gaspillages. En retour, comme il n'y a plus de pertes ou presque, l'agriculteur peut vendre moins cher et le consommateur dispose de produits bio aux meilleurs prix. Le bénéfice est réciproque et c'est pour cela que ça marche si bien.
Le panier de base est calculé pour une famille de deux adultes et deux enfants, mais il est possible de se mettre à plusieurs sur le même panier si l'on est célibataire ou si l'on n'a pas deux enfants. Dans une Lettre diffusée régulièrement, le producteur indique son calendrier de production, rappelle les jours où l'on peut retirer son panier et donne des informations complémentaires : recettes, rendez-vous…
Pour Daniel et Denise, aujourd'hui, il y a trois distributions par semaine : deux se font sur leur ferme pour les personnes de l'agglomération de Toulon, la troisième est livrée à Aubagne. Lors des distributions, la quantité est indiquée pour chaque fruit et légume et les adhérents pèsent ce qu'ils doivent prendre en fonction de la quantité précisée. Cela représente des quantités imposantes : en pleine saison, pour emmener une livraison à Aubagne, Daniel et Denise doivent louer une grosse camionnette. Tout au long de l'année, les producteurs s'engagent à fournir au moins dix fruits et légumes différents par panier. Le prix du panier est proposé par le producteur. Il est calculé en fonction des coûts de production des salaires et des charges. C'est, en tout cas ainsi que le prix du panier est calculé aux Olivades où 100 % de la production est distribuée en AMAP.
La contrainte pour le consommateur, c'est de partager les risques du métier avec l'agriculteur : culture abondante ou défaillante, avance ou retard de production dû à la météo de l'année… Le consommateur non seulement réapprend à manger de saison, mais il est en lien avec la nature par les aléas de production.

Pour mieux se connaître, différentes rencontres sont organisées. Au début de la saison, à l'automne, un pique-nique a lieu à la ferme avec chacun des groupes, ce qui permet de faire connaissance avec les nouveaux arrivants. Lorsqu'il y a une grosse production en vue, des animations sont mises en place pour ramasser collectivement les excédents et les transformer (ateliers sauces et confitures). Il est toujours possible, pour les plus passionnés, de venir aider aux récoltes et même plus ; Denise et Daniel n'hésitent pas à lancer des appels à "coups de mains" lorsque c'est nécessaire. d'AMAP dans toute la région, puis un peu partout en France. Le couple a vite été débordé par les demandes de présentation de leur initiative. Ils ont concrètement aidé à mettre en place une cinquantaine d'AMAP. Toujours très actifs localement et dans le réseau internationnal « Urgenci », ils défendent le concept contre les tentatives de récupérations de diverses structures qui les remettraient dans des normes institutionnelles et des règles dont l'agriculture paysanne a beaucoup trop payé les frais.
L'administratif formel leur semble nuire à la convivialité. Ils sont pour l'autonomisation des initiatives et si certaines ne copient pas leur fonctionnement, ils n'y voient, eux, aucun inconvénient.
Convoitises
Localement, la situation de la ferme est explosive. La ville de Toulon continuant à s'agrandir, ils ont été rattrapés par les zones commerciales et, juste derrière leur ferme, se trouve un des plus grands parkings de l'agglomération, avec une zone commerciale hideuse qui souhaiterait encore s'agrandir. Mais cette dernière est coincée d'un côté par une autoroute, de l'autre par une villa classée par les monuments historiques. Elle ne peut donc que viser les bonnes terres maraîchères bio de Daniel et Denise Guillon.
Les élus sont venus les voir plusieurs fois pour leur assurer que s'ils vendaient, leur fortune était faite. Devant leur refus, la mairie de Toulon a prétexté un temps la nécessité de les exproprier pour pouvoir créer à leur place le terminus du futur tramway et une gare routière. L'AMAP s'est alors révélée une formidable caisse de résonance pour dénoncer les manoeuvres diverses pour pousser les paysans dehors. Aujourd'hui, les projets semblent arrêtés et Daniel en conclut qu'une AMAP n'est pas seulement une arme sociale pour le maintien de l'agriculture paysanne, mais peut être aussi un excellent outil contre la spéculation immobilière.

Michel Bernard
Extrait de Silence - Ecologie - Alternatives - Non violence

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